Methode De Production Et Gestion Des Semences Cerealieres Produits Dans La Region De L’extreme-Nord, Cameroun: Locality De Gazawa

B Wang-Bara1 , A Fatoumata1 , P Kaouvon1 , D Haicha1 , A Goudom2 , G Sobda3 , P. D Sakatai3

1Station Polyvalent de Recherche Agricole de Garoua, Cameroun

2Ecole Nationale Supérieure Polytechnique de Maroua-Université de Maroua, Cameroun

3Centre Recherche Agricole de Maroua, Cameroun

Corresponding Author Email: wangbarabertrand@yahoo.fr

DOI : https://doi.org/10.5281/zenodo.7731568

Abstract

A study was realized to understand the different methods of production and management of cereals seeds in the Far-North region of Cameroon. The study aimed to evaluate the management approach used by the stakeholders of the seeds. Based on a Focus group and interview methodology, a sample of fifty individuals was submitted to an open and closed question form. It follows that in total 6 varieties of maize (CMS-9015, CMS-8806, CMS-8501, CMS-8704, TZEE-W, and EVDT) and 6 varieties of sorghum (CS-54, CS-61, CS-95, Damougari, S-35, and Zouaye) are popularized and multiplied on a large scale. The EVDT varieties of corn and CS-95, CS-61, and Damougari of sorghum are no longer multiplied. Varietal diversity, plot isolation, and crop plot rotation techniques permit good production and seeds management of cereals. The only variety of rice recorded was Nerica 3 and 25 collections of pennicilary millet from the Far-North and North of Cameroon, ICRISAT, and INERA are being popularized. The local varieties Sectaire (22.85 %), Dadoudou (11.42 %), Farigawa, Salié, and Viri by 8.57 %, local white maize (5.71 %) and Panar (2.85 %) are the most appreciated and cultivated by farmers for their organoleptic properties, their nutritional values and their productivity. The local seeds of the farmers are obtained by mass selection (82.85 %) in the field.

Keywords

Céréales, Extrême-nord, Gestion, production, Semences

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INTRODUCTION

Compte tenu de l’érosion de la diversité génétique inquiétante, on pense en effet que la biodiversité des cultures a été réduite de 75 % depuis le milieu du 19ème siècle [4]. Alors que jadis, l’homme utilisait plusieurs milliers d’espèces végétales pour se nourrir et se vêtir, ce nombre est ramené aujourd’hui à 150 environ, et même seulement à douze en certains endroits [4]. Les céréales représentent pour nombre de pays en développement, l’essentiel du régime alimentaire des populations rurales généralement à faibles revenus [7]. Au Cameroun, l’agriculture est la principale activité des populations et représente 19,7 % du PIB. La Région de l’Extrême-Nord située dans la zone sahélienne connaît de manière récurrente des sécheresses (2009 et 2011) et des inondations (2010, 2012 et 2014) qui perturbent les productions agricoles. Pendant la campagne agricole 2015/2016, elle a encore affiché un déficit vivrier en équivalents céréaliers (EC) d’environ 50 088 tonnes par rapport aux besoins de la population [10]. De ce fait, une bonne gestion de ces denrées pourrait contribuer à atténuer la crise alimentaire (faim) et permettre une autosuffisance et la sécurité alimentaire. Selon la FAO, la diversité phyto-génétique est menacée par « l’érosion génétique », qui désigne la perte de gènes individuels et de combinaisons de gènes tels que ceux que l’on retrouve dans les variétés adaptées aux conditions locales. D’après le rapport sur l’état des ressources phyto-génétiques dans le monde [5], le remplacement des variétés locales par des variétés modernes est la principale cause d’érosion génétique. Ajouter à cela l’apparition de nouveaux ravageurs, de plantes adventices et de maladies représente une cause majeure de l’érosion génétique.

La production céréalière est confrontée à des contraintes d’ordre pédoclimatique, socio-économique et biotique. Les efforts consentis pour la levée progressive de ces contraintes et l’amélioration de la production peuvent toutefois s’avérer inutiles sans un système adéquat de gestion et conservation post-récolte [6]. En effet, en zone soudano-sahélienne sèche, la conservation post-récolte est le seul moyen d’assurer le lien entre la récolte intervenant une fois dans l’année et la consommation qui est permanente et obligatoire. Selon différentes spéculations, les cultures peuvent être endommagées et ou attaquées en champs ou intervenir uniquement en stockage [7]. Les dégâts qu’ils occasionnent incluent non seulement la perte du rendement des cultures, mais du pouvoir germinatif des semences [1]. Toutefois, la concurrence des espèces envahissantes telle que le Striga spp colonisent la plupart des céréales (le maïs, le sorgho) provoquant des pertes considérables de rendements. Il est donc nécessaire les stratégies de production et de gestion des cultures céréalières en vue de déterminer les méthodes de cultures et pérenniser les variétés des semences.

 

 

 

 

  1. APPROCHE METHODOLOGIQUE

Figure1 : Carte de localisation de la commune de Gazawa (WAPPOUO, 2020).

D’après la carte de répartition des zones agro-écologiques du Cameroun, notre zone d’étude se retrouve dans la Région de l’Extrême-Nord appartenant à la zone agro écologique I. La Figure 1 ci-haut représente une localisation de notre zone d’étude. Elle a été réalisée avec le logiciel Arcgis version 10.3 en utilisant les images de Open Street Map et la carte des zones agro-écologiques du Cameroun. Elle couvre spécifiquement la localité de Gazawa où se trouvent les structures de conservation et stockage des semences de céréales certifiées produites par les multiplicateurs reconnus officiellement par la Délégation Régionale de l’Agriculture et du Développement Rural. De même, on y retrouve également les organisations paysannes associés sous forme de GIC et dont l’activité pour la plupart est la production des céréales. Elle prend aussi en compte l’Institut de la Recherche Agricole pour le Développement y compris les équipements de stockages et conservations de ces semences. L’approche méthodologique utilisée pour notre étude est caractérisée, par une démarche descriptive et hypothético-déductive. Une enquête de terrain est réalisée auprès d’une population subdivisée en deux groupes. Au total, cinquante individus ont été soumis au questionnaire. Le premier sous-échantillon est constitué des conservateurs, multiplicateurs, sélectionneurs de semences et le second des paysans de la localité de Gazawa. Les données d’enquête collectées ont été synthétisées par le tableur EXCEL 2013, puis analysées à l’aide du logiciel SPSS. Les différentes analyses effectuées pour illustrer les corrélations existantes entres les variables pris en compte sont : le test de khi-deux, les représentations graphiques par les diagrammes circulaires, les diagrammes à barres et les analyses à correspondances multiples (ACM).

  1. Echantillonnage

La méthode d’échantillonnage utilisée est celle non probabiliste. La population étudiée n’est pas homogène et est stratifiée en deux sous-échantillons présentant des différents traits qui les distinguent les uns des autres (âge, sexe, profession, etc.). La population totale enquêtée correspond à cinquante individus. Le premier sous-échantillon est constitué de quinze enquêtés dont : des multiplicateurs de semences certifiés répertoriés à la Délégation d’Agriculture et du Développement Rural de l’Extrême-Nord associées sous forme de GIC, des sélectionneurs et conservateurs de semences de la Délégation de l’Agriculture et du Développement Rural et de l’Institut de Recherche Agricole pour le Développement. Le second sous-échantillon regroupe un total de trente-cinq paysans qui entrent en possession de leurs semences auprès des institutions agricoles et/ou ceux possédant leurs propres semences conservées jadis localisés dans le terroir de Gazawa où se trouve la ferme de la Délégation de l’Agriculture et du Développement Rural de l’Extrême-Nord.

  1. Enquêtes de terrain

L’enquête a été réalisée pendant quatre semaines reparties sur environ un mois et demi. Le guide d’enquête a été rédigé sur la base du document : méthodologie de l’enquête par questionnaire [12].  La démarche utilisée pour la réalisation de l’enquête s’est basée sur une méthodologie de focus groupe et d’interview à partir des questions à réponses ouvertes et fermées. Les variables considérées dans la fiche d’enquête ont été conçues sur la base des objectifs, résultats attendus et ont permis à la description d’un phénomène objectif que constitue l’approche de conservation et de stockage des céréales réalisée par les acteurs de la filière semence. La grille du questionnaire a été établie afin de pouvoir justifier les hypothèses proposées. Les questionnaires utilisés pour la réalisation de la présente étude étaient axées sur :

  • l’identification des acteurs de la filière semencière ;
  • l’évaluation des processus de gestion des semences de céréales ;
  • l’état de lieux des variétés de céréales produites et conservées ;
  • l’appréciation de la productivité des semences.
  1. Analyse statistique

L’analyse statistique de données collectées sur le terrain a été effectuée à l’aide des outils statistiques ci-après :

  • le tableur Microsoft EXCEL 2013;
  • le logiciel SPSS version 20.
  • Statistiques descriptives, synthèse et recodage de données

L’ensemble des données brutes obtenues à la suite des enquêtes ont été saisies dans le tableur Microsoft EXCEL 2013. Toutes les variables qualitatives et quantitatives considérées pour les analyses ont été regroupées et recodées à l’aide de ce même outil statistique. Pour chaque variable qualitative considérée, les modalités constituées de valeurs nominales ont été recodées en valeurs chiffrées afin de pouvoir effectuer les analyses statistiques descriptives.

Pour les analyses statistiques, les calculs des moyennes, écarts types, pourcentages ont été réalisées par le logiciel SPSS version 20. Les tableaux de valeurs obtenues, tel que le tableau de corrélation des variables, les tableaux croisés des tests de Khi-deux, ont été par la suite importés dans EXCEL pour une meilleure interprétation des résultats. A partir des données des tableaux des statistiques descriptives effectuées, le nombre de récurrence de citation des variétés locales par les paysans ont permis de calculer les indices de [8]. La répartition graphique en diagrammes circulaires et diagrammes à bandes des variétés locales appréciées et cultivées par les paysans et les variables considérés lors des enquêtes a été représenté par les pourcentages.

  • Calcul des indices de Lance et al. (1994).

La fréquence d’usage de chaque variété et par spéculation est déterminée grâce au calcul de l’indice d’utilisation des espèces noté I. Il est calculé à partir de la formule de [8].

I (%) = n / N x 100   avec   n : nombre de personne citant l’espèce ;     

N : nombre de personnes enquêtées ;

La caractérisation des différentes variétés de semences pour chaque spéculation a été élaborée à partir du Catalogue Officiel des Espèces et Variétés au Cameroun [9].

  • Le Test de Khi-deux et les Analyses de Correspondances Multiples (ACM)

Les tableaux de valeurs du test de khi-deux de Pearson et les tableaux croisés ont ressortis des corrélations existantes entre les variables, telles que l’interrelation entre le nombre d’années de culture d’une céréale, la qualité de la semence et le rendement obtenu à la récolte.

Les Analyses des Correspondances Multiples sont une méthode factorielle adaptée aux tableaux dans lesquels un ensemble d’individus est décrit par un ensemble de variables qualitatives [3]. Les données qualitatives collectées à la suite des enquêtes ont été soumises à des Analyses des Correspondances Multiples. L’ensemble des individus constitués par les différentes variétés de chaque spéculation ont été décrites sous la base des variables tels que : les critères de choix variétal préféré par les paysans, les équipements de conservation et les méthodes de conservation appliquées, les attaques observées et la qualité de la graine stockée. Les ACM réalisées sur les données des conservateurs ont permis de décrire les catégories de semences produites pour chaque spéculation. Cette analyse ressort également la corrélation entre les différentes variétés de chaque spéculation et les variables qualitatives notamment, les causes de l’extinction de certaines variétés, la gestion et la maintenance de la qualité de la graine conservée, l’entretien des entrepôts et les traitements appliquées pour la conservation des produits.

III. RESULTATS ET DISCUSSION

III.1 Caractérisation de la diversité des variétés locales

III.1.1 Inventaire des variétés locales appréciées par les paysans

La Figure 2 présente les différentes variétés locales et certifiées recensées auprès des paysans leur indice d’usage I.

Figure 2 : Proportionnalité de différentes variétés locales cultivées par les paysans.

Cette Figure ressort les fréquences d’usage des variétés de semences appréciées et cultivées par les paysans. A l’issu des enquêtes menées auprès des paysans par la méthode de free listing on dénombre un ensemble de variétés locales et certifiées dont ils produisent annuellement. Les données d’enquêtes sur les effectifs de chaque variété listée par les paysans ont permis de déterminer l’indice d’utilisation des espèces noté I. L’indice d’usage de chaque espèce est calculé à partir de la formule de [8], détaillée plus haut dans le paraphage portant sur la méthodologie. Le choix et l’appréciation paysanne d’une variété donnée dépend d’un certain nombre de critères. Les raisons de choix évoqués par les paysans ont été regroupés en fonction des critères agro-morphologiques (le goût, la couleur de la graine, la hauteur des plantes et le cycle variétal), des critères socio-économiques (le taux de demande sur le marché) et également par rapport aux conditions environnementales (la pluviométrie, la résistance au vent et l’adaptabilité à la texture du sol).  De ce fait, il ressort que les variétés locales de Sorgho les plus appréciées et cultivées par les paysans sont : Sectaire (22,85 %) et Dadoudou (11,42 %). La seconde catégorie est constituée des variétés : Viri, Farigawa et Salié tous de pourcentage égale à 8,57 %. Ces trois variétés sont cultivées dans tous les quatre villages. Parmi les variétés vulgarisées par les institutions agricoles, S-35 et Zouaye sont les deux variétés cultivées par les paysans mais à faible échelle. D’après les paysans l’itinéraire technique n’est pas connu, mais aussi le prix d’achat d’un kilogramme de semence est assez élevé. En général, la spéculation Maïs est l’une des céréales la moins cultivée dans la Région de l’Extrême-Nord. Dans la zone d’étude les variétés connues et cultivées par les paysans sont : le Maïs local de couleur « blanche » et le Panar. La variété Panar constitue l’une des variétés distribuées aux autorités traditionnelles par les ONG tel que le PIDMA. C’est une variété hybride dont la semence n’est utilisable que pour un cycle de production. La faible fréquence d’utilisation de cette variété qui est de 2,85 % s’explique par l’accession irrégulière de cette variété de semences. Le maïs local blanc aussi cultivé à petite échelle dans cette localité constitue ici la meilleure variété locale avec un pourcentage de 5,71 %. Les variétés certifiées de maïs bien que vulgarisées dans cette localité se voient moins adoptées par les paysans. Ceci peut s’expliquer par l’inadaptabilité de cette culture à la texture du sol, toutefois elle reste une culture de case pour la population.

La Figure 3 décris les facteurs liés aux choix variétaux local de la production des semences céréalières selon les critères agro-morphologiques, environnementales et socio-économiques.

Figure 3 : ACM réalisée sur les données d’occurrence des raisons du choix variétal local par les paysans.

L’analyse du graphe 3 permet de déduire qu’il existe une affinité entre les variétés locales paysannes. L’on peut remarquer que ces variétés sont associées en quatre groupes de part au d’autre des axes. Cette répartition se justifie par les critères du choix variétal évoqués par les paysans lors de l’enquête. Il ressort de cette analyse que les variétés locales de sorgho suivantes :

– Sectaire avec un pourcentage de 22,85 % est la meilleure variété locale de sorgho cultivée dans tous les quatre villages de notre zone d’étude. Elle est appréciée pour sa coloration « rouge » et aussi du fait de la graine qui est très farineuse. Cette variété donne un bon rendement à la récolte et les plantes sont résistantes à la verse.

Dadoudou et Viri respectivement avec 11,42 % et 8,57 % sont beaucoup appréciées pour leur bon goût après la cuisson et la forte demande sur le marché.

– La variété Salié utilisée à un pourcentage égal à 8,57 % à la capacité de se regrouper avec les variétés certifiées de sorgho telles que S-35 et Zouaye. Elle est cultivée par les paysans due à son adaptabilité à la pluviométrie. Le fait qu’elle ait un court cycle variétal qui est d’environ moins de quatre mois lui permet de boucler son cycle de développement pendant les périodes de faible pluviométrie. Elle peut donc être comparée à la S-35 qui est résistante à la sècheresse. Cette variété Salié est typique au village Miziling hardé.

– Farigawa (8,57 %) est une variété très productive et dont les plantes sont de taille moyenne, elle s’adapte aux sols pauvres et est moins consommée par les oiseaux. Car le plus souvent les oiseaux migrateurs se retrouvent beaucoup plus dans des parcelles dont les plantes sont de hautes tailles comme la CS-61 et la S-35 à hauteur de plantes respectives 240 cm et 200 cm.

Il existe également une autre variété « tchiraka » cultivée non loin des cases d’habitations. Elles ont une très courte durée de cycle de production d’environ moins de trois mois. Cette variété locale assure la sécurité alimentaire des paysans en cas de rupture de stocks en attendant l’arrivée de la prochaine campagne agricole.

Les variétés de maïs local « blanc » et le Panar sont cultivées à faible échelle par les paysans. Toutes ces variétés locales à l’exception du Panar, la Zouaye et la S-35, sont des variétés qui existait jadis et cultivés par la population de cette localité. Ces variétés sont transmises des parents aux descendances qui conservent annuellement les meilleures semences obtenues à la récolte. Les variétés Zouaye, S-35 et Panar regroupées dans le graphe constituent un ensemble des variétés certifiées appréciées par la population locale. Elles sont soit achetées auprès des Institutions agricoles (Zouaye et S-35), mais aussi obtenues lors des campagnes de formation et de sensibilisation organisées par les Organisations Non Gouvernementales (ONG) tel que le PIDMA, c’est le cas de la variété Panar. La répartition des variétés locales de part et d’autre des axes s’explique par la variabilité des critères d’appréciation des paysans.

III.1.2. Caractérisation de la diversité variétale des semences certifiées de céréales produites dans la région de l’Extrême-Nord

III.1.2.1 Diversité variétale des semences certifiées de Maïs, Sorgho et Riz

Les différentes variétés recensées ont été obtenues sur la base des enquêtes réalisées auprès des sélectionneurs et multiplicateurs des institutions de recherche agricole. La caractérisation primaire de ces variétés a été complétée par la revue de littérature notamment le Catalogue Officiel des Espèces et Variétés au Cameroun [9].

L’enquête réalisée auprès des acteurs de la filière semence a permis de répertorier 6 variétés de semences de maïs (CMS-9015, CMS-8806, CMS-8501, CMS-8704, TZEE-W et EVDT) et 6 variétés de Sorgho (CS-54, CS-61, CS-95, Damougari, S-35 et Zouaye) maintenues et multipliées dans les structures agricoles. Seule la variété EVDT n’est pas inscrite dans la Catalogue Officiel des Espèces et Variétés au Cameroun. Toutes les autres variétés des deux spéculations sorgho et maïs y figurent. Ce sont des variétés, espèces anciennement connues, vulgarisées à grande échelle et pouvant être commercialisées comme semences standards soumises au contrôle de qualité.

L’ensemble de ces variétés sont inscrites dans le Catalogue Officiel des Espèces et Variétés suivant une procédure prescrite par la loi semencière en vigueur au Cameroun. Toute espèce variétale est préalablement soumise aux tests Distinction, Homogénéité et Stabilité (DHS), et Valeur Agronomique Technologique (VAT) qui sont réalisés suivant un protocole bien défini sous la supervision de l’administration semencière du MINADER à travers la Direction de la Réglementation et du Contrôle de Qualité des intrants et produits agricoles (DRCQ) de la région dans laquelle la variété est cultivée.

Les résultats des tests VAT et DHS de chaque variété candidate sont ensuite soumises pour avis à une commission d’homologation des espèces et variétés. Après homologation et validation des résultats par la commission, les variétés acceptées sont proposées au Ministère en charge de l’Agriculture pour leur inscription au Catalogue Officiel des Espèces et Variétés au Cameroun.

Pour la spéculation riz, l’unique variété recensée auprès de la Délégation de l’Agriculture et de Développement Rural est la variété Nerica 3 produite à faible échelle dans la Région.

III.1.2.2. Diversité variétale du mil pennicilaire

Au total, 25 accessions de mil pennicilaire sont à l’heure actuelle disponible à l’Institut de Recherche Agricole pour le Développement. Cependant, ces accessions sont en cours d’essai afin de parvenir à une caractérisation agro-morphologique et une vulgarisation des meilleures variétés d’entre elles pour une extension ultérieure de production du petit mil dans la Région de l’Extrême-Nord. Ces accessions proviennent de 3 origines différentes :

– Collection de deux régions de l’Extrême-nord et Nord du Cameroun : PE00015, E00142, PE00025, Deher, PE00137, PE00002, Bandendji, PE00017, PE00048, PE00040, PE00065, Gouzouma, PE00096, PE00056, PE00077, PE00057 ;

– Collection de l’ICRISAT : ICSV8905, ICSV92222, Sosat, IKN8201 ;

– Collection de l’INERA : Tialack 2, Gawane, GB8735, Chackti et Souna III.

III.1.2.3 Evaluation du système de production et gestion des semences certifiées céréalières produites par les institutions agricoles

III.1.2.3.1 Modélisation du processus de production et de certification semencière

La Figure 4 ci-après illustre les différentes étapes de la certification semencière aboutissant à la « semence » destinée à la production agricole. Elle se résume en 5 étapes allant des parcelles de production au laboratoire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Figure 4 : Scénario du processus de certification semencière.

 

 

Figure 4 : Différentes étapes de la certification semencière lors de la production.

Comme l’illustre ce graphe ci-dessus, le mécanisme de la certification semencière peut être résumé en 5 grandes phases :

– La déclaration de la culture qui consiste à l’inscription du producteur semencier auprès de l’administration semencière, où il fournit sur une fiche les informations (nom du producteur, localité, superficie et le passeport de la variété à produire) et paye une redevance de 10 000 Fcfa conformément à l’Article 13 de Loi n°2001/014 du 23 juillet 2001 relative à l’activité semencière permettant la réalisation des tests de contrôle et de qualité de la semence par un laboratoire agrée ;

– Les visites et les inspections des champs par les contrôleurs de l’Administration semencière se font sur la base de la déclaration de culture fournie par le producteur.

  • Une première inspection est effectuée par les contrôleurs pour le choix des parcelles de production et la mise en place des cultures : elle consiste à vérifier les conditions d’installation à savoir l’origine des semences, l’historique de la parcelle, le précédent cultural, l’isolement dans l’espace et la rotation des cultures, les dates de semis, les superficies ;
  • Les deux inspections des parcelles effectuées ont lieu à la préfloraison et la floraison. Elles ont pour but de vérifier l’état sanitaire de la culture et le niveau de pureté variétale, l’élimination des plants malades, plants hors-types, et des plants d’autres espèces cultivées ainsi que des adventices pouvant apporter des contaminations de grains. L’inspection effectuée à la floraison permet à nouveau de contrôler l’état cultural, la pureté variétale et prodiguer des conseils pour l’exécution correcte des récoltes ;
  • La phase post-récolte permet le conditionnement des graines récoltées afin de transformer le produit impropre en un produit fini propre. Les graines sont séchées, battues, nettoyées, calibrées, traitées et débarrassées de toute impureté afin d’être soumises à un échantillonnage pour des tests de contrôle et de qualité au laboratoire ;
  • Au laboratoire, elles sont soumises à des tests DHS, VAT et des tests de conformité qui portent sur la mesure de : la pureté spécifique, la pureté variétale, le pouvoir germinatif, la teneur en eau des graines et l’état sanitaire des semences pour une probable certification ;
  • La phase de certification : les résultats satisfaisants sont ceux qui sont conformes aux normes de la réglementation semencière. Ils sont approuvés après une commission qui siège et dont les membres sont les inspecteurs et contrôleurs chargées du contrôle et de la qualité des parcelles et semences. Les résultats satisfaisants autorisent la certification et se matérialisent par l’apposition du Label, certificat précisant certaines qualités de la semence : « l’étiquette ».

 

 

 

 

III.1.2.3.2 Méthodes et techniques pré et post-récolte lors de la production

Les Figures 5 et 6 présentent les méthodes et techniques pré et post-récoltes appliquées par les producteurs des semences céréalières pour une approche de gestion intégrée des variétés produites.

Figure 5 : Facteurs d’optimisation d’une meilleure qualité des graines conservées.

 

 

Figure 6 : Techniques de gestion appliquées pour la maintenance in-situ et ex-situ des graines.

 

 

 

 

 

Suite à l’enquête menée auprès des conservateurs, il en résulte que la conservation et le maintien de la qualité des semences destinées à la production se fait en deux principales étapes : l’étape pré-récolte et l’étape post-récolte. Pendant la phase de production, l’isolement des parcelles de culture dans l’espace, dans le temps et la rotation des cultures sont des principales techniques mis en place par les multiplicateurs. La rotation des cultures se fait en tenant compte des antécédents culturaux qui sont définis par les règlementations en vigueur et dont le non-respect entraine le refus de la parcelle de culture par les inspecteurs. Pour une bonne production de semence d’une spéculation donnée pendant une campagne agricole donnée, il n’est pas autorisé de mettre en place sur la même parcelle pour la prochaine campagne agricole toute culture de la même espèce quelle que soit la variété.

D’après nos enquêtes, des graines restantes enfuis dans le sol pourraient se développer lors de la prochaine campagne et féconder la nouvelle variété mise en place, favorisant l’apparition d’une nouvelle variété dont les caractères agronomiques sont différents de la variété à produire. On parle le plus souvent d’une mutation génétique favorisant ainsi la perte d’homogénéité des graines et par conséquent l’homogénéité des parcelles. La technique d’isolement des parcelles de culture réalisée entre les parcelles, permet d’éviter tout croisement indésirable. L’isolement dans le temps est l’une des techniques rarement appliquées, qui consiste à décaler les dates de semis dans les parcelles voisines de telle sorte que les périodes de floraison soient décalées. Les variétés de la semence à être produites peuvent être contaminées par le pollen d’une autre variété sous l’effet du vent ou des insectes entrainants ainsi lors de la fécondation le transfert des nouveaux gènes, modifiant le génome de la variété à produire. C’est pourquoi des phases d’inspection sont réalisée afin d’épurer les parcelles. Dans certains Centres de recherche agronomique, en lieu et place d’isolement, on procède souvent à une autofécondation en couvrant les panicules avec des sachets d’autofécondation pour la production des petites quantités de semences de bases [2]. Ces sachets d’autofécondation sont utilisés par les multiplicateurs afin d’éviter tout croisement indésirable. L’isolement des parcelles dans l’espace est réglementé par des distances minimales d’isolation des cultures [13]. L’isolement dans le temps et dans l’espace sont des techniques favorisant l’homogénéisation des parcelles et des variétés à produire.

Après la récolte, la déshydratation optimale de la graine est obtenue à un taux d’humidité de la conservation de la graine comprise entre 8-9 %, 12 % étant le maximum et la durée de séchage au soleil est de 5 à 7 jours [11]. Pour remédier aux attaques des déprédateurs et ravageurs, il est préconisé de procéder à une étape minutieuse de triage pour ôter toute graine de variété différente à la variété à produire ainsi que toutes les graines qui semblent être attaquées. L’inspection régulier des parcelles et l’usage des sacs neufs pour le conditionnement constituent des étapes pour la prise des mesures préventives ou curatives afin d’assainir la qualité de la graine. D’une manière générale, une semence de bonne qualité doit :

– avoir un taux de germination élevé ;

– être bien sèche, avec un taux d’humidité optimal de 8-9 % et au maximum 12 % ;

– être génétiquement pure (toutes les graines appartiennent à la même variété ont la même grosseur et la même couleur) ;

– être propre et exempte de matières inertes (elle ne doit pas être mélangée à des matières inertes, comme les glumes, des débris végétaux, des cailloux ou de la terre) ;

– être exempte de graines d’autres espèces, en particulier de semences d’espèces adventices ;

– être saine, répondre aux besoins du producteur (pas d’attaque par les micro-organismes et productive).

 

 

Conclusion

Cette étude a permis de décrire et modéliser les méthodes de production et de gestion des semences de céréalières au sein des institutions de recherche agricole dans la Région de l’Extrême-Nord pour une meilleure production des cultures et gestion intégrée durable des semences céréalières. Dans la zone Soudano-Sahélienne et plus précisément dans la localité de Gazawa, la méthode de production des cultures céréalières reste focaliser sur les nouvelles technologies des cultures. Les techniques de diversité variétale concernent l’isolement des parcelles et les rotations de cultures permettent une bonne production, restauration et gestion des semences céréalières pour une pérennisation des semences. Au total 6 variétés de maïs (CMS-9015, CMS-8806, CMS-8501, CMS-8704, TZEE-W et EVDT) et 6 variétés de sorgho (CS-54, CS-61, CS-95, Damougari, S-35 et Zouaye) sont vulgarisées et multipliées à grande échelle par les institutions agricoles dont la Délégation d’Agriculture et du Développement Rural et l’Institut de Recherche Agricole pour le Développement. Les institutions agricoles disposent de 25 accessions de mil pennicilaire en provenance de l’INERA, ICRISAT et de l’Extrême-Nord, Nord du Cameroun. L’approche de production et gestion des semences se basent sur les techniques pré-récoltes et post-récoltes : l’isolement dans le temps, dans l’espace parcellaires et les rotations de cultures. Au niveau local, la production céréalière constitue une culture de subsistance pour les paysans. Sectaire et Dadoudou suivies des variétés Farigawa, Salié et Viri, le maïs local blanc et le Panar sont les variétés les plus cultivées et appréciées. L’accession de la semence se fait soit par sélection massale en champ ou auprès des institutions agricoles.

Remerciements

Nous remercions l’Institut de Recherche Agricole pour le Développement (IRAD) de Garoua pour la production des semences. Nous remercions également le Centre de Recherche Agricole et l’Université de Maroua, pour leur collaboration dans la réalisation de ce travail mené.

Références

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  • Dembele B., Diourte M. (2011). Manuel de Formation pour la production de semences de sorgho, CORAF/WECARD,1-28p.
  • Fabienne C., Mélanie C., Marie-Marthe C. (2010). Guide d’introduction au logiciel SPSS : initiations aux méthodes quantitatives, Université de Montréal, 72p.
  • FAO (1996). Plan d’action mondial pour la conservation et l’utilisation durable des ressources phyto-génétiques pour l’alimentation et l’agriculture, 67 p.
  • FAO (2010). « Commission des ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture : ne pas les utiliser, c’est les perdre », www.fao.org/nr/cgrfa, cgrfa@fao.org, 10 p.
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